Dimanche 17 décembre 2017

RCV 57 – Chilly Mazarin 18

Pour la dernière fois de l’année, il va rater le déjeuner dominical avec la famille. Ou éviter d’aller se faire une cheville sur un terrain gondolé, entre des bagnoles avec des potes. Ou de revoir un film ou une série 10 fois. Remettre à plus tard les résolutions de travail à la maison, reporter les achats des cadeaux de Noël, ne pas s’occuper des enfants, récupérer d’une soirée un peu trop tardive. Il est rugbyman amateur, et ça, c’est un statut. Une religion. Peut-être la plus pratiquée au Sud de la Garonne, ou sur les bords de Seine, quand il s’agit de dire pain au chocolat et plus chocolatine. Comme tous les dimanches, il va rentrer tard. Courbaturé peut-être, un pet à une jambe sans doute, du vent dans les voiles très certainement.

Il joue depuis longtemps, il a sa vision du rugby, il l’a vu évoluer, il a son avis sur l’Equipe de France, sur les Pros du Top 14 et de Pro D2 (il en voit souvent à Jean Bouin, au défunt Colombes ou au venté Stade de France), mais ce qui le fait vivre lui, c’est sa bande de potes aux sacs à dos qui se portent sur le ventre, des étudiants, des profs de sport, des militaires, des cadres, des tatoués, des tankés, des mécanos, ou des avocats, parce que oui Monsieur, ici c’est Versailles. Depuis l’avènement du professionnalisme, il s’y file un peu plus. Entraînements 2 fois par semaine, donc une discipline diététique naturelle. Une fois au RU, il a pris des carottes à la place du pâté tentant du gastronome patenté. Le rugby, les amis, c’est une philosophie. Surtout en Honneur régional. Depuis le mois d’août à faire des tests physiques et à se préparer pour la saison, c’est là que ça paie. Alors c’est pas parce que les enfants ne dorment pas qu’il faut arriver fatigué à l’entraînement. Sa douce gérera… Tout comme son sac, jeté négligemment à proximité de la machine 3 fois par semaine. Puis discrètement repris, traité à l’anti fongique ou pas. Aujourd’hui, pas de galop d’essai et pas de repas d’avant match. Ça doit pas être un gros match… Pas de con**** contre des mal classés, hein ??!!

Ce dimanche, il est titulaire. Ça veut dire pas de belotte avant le match, faut se mettre dedans. Il s’échauffe sans survêtement, et à fond tout de suite. Pas d’économie derrière les poteaux, pour éviter de finir dans le rouge, avant de rentrer 10 minutes en fin de match. Il ne porte pas d’eau ou la pharma, il met des timbres sur les sacs à placage. Alors Chilly, il va en faire son plat principal, et ça va péter ! Epissée qu’elle va être, la réception. Consignes données dans la semaine, responsabilités assumées, on est 3ème, faut pas déconner. Soigner le goal average, le point de bonus et entretenir l’espoir d’une montée directe.

A Versailles, on sait recevoir. En avant sur le coup d’envoi, pour mettre les visiteurs à l’aise, dans nos 22, par une mêlée bien placée. Puis laisser l’avantage par une faute très courtoisement commise, pour permettre à un Chilly incarné d’ouvrir le score. Sur ses terres, les amateurs de Versailles sont menés 0-3. En ce dimanche de messe à 15 heures, il n’était toutefois pas dit que les scouts du 78 feraient les bons samaritains toute la partie. Ces 5 premières minutes passées, la seconde est enclenchée, et à en voir les déboulés des ¾, les coups de pied d’occupation déposés à merveille par Julien Lagarde aux 4 coins du terrain, on se dit que les rouge et blanc vont tenter de ne pas se blesser avant Noël, sur le terrain d’un mieux classé. Manquerait plus que ça… Sur une merveille d’attaque au large, où tous les arrières surfent le ballon, par vagues, Greg Loiseau s’en va planter le premier essai, prologue d’un feu d’artifice offensif. Moins de 5 minutes plus tard, c’est Chilly et l’arbitre du jour qui offrent 7 points, les uns par une faute grossière sur le chemin de l’essai, l’autre en sanctionnant justement par un essai de pénalité. Entre 2 équipes d’amateurs, lorsque la défense des ambitions coïncide avec la réussite et la récitation, pour celle qui se déplace, faut plus défendre, faut prier. La 3ème banderille est plantée à nouveau par les gazelles, après 2 crochets, une passe au pied et un rush solitaire, conclu en beauté par Antoine Diacre, intenable sur son aile. Propres en conquête, appliqués dans le jeu courant, agressifs en défense, les versaillais récitent un rugby emballant, sous les yeux avertis et connaisseurs de Florian Grill, Président de la Ligue Ile de France, et de Didier Retière, DTN de la FFR, venus en voisins et en amis. Avant la pause, le flanker Mignot chaloupe entre les lignes et plante aux pieds des poteaux, renvoyant les illusions chiliennes à l’hôpital du même nom…

La suite est un défilé de haute couture, de l’étoffe de rois, avec des ballons d’avants bonifiés par des arrières au diapason : tour à tour, Antoine Diacre (après une merveille de passe au pied de Julien Lagarde), Greg Loiseau à nouveau, puis Adrien de Soultrait, en fer de lance suite à une poussée collective, pour son dernier match à Versailles, Antoine Dussaix et Paul Otou, passent la ligne et peaufinent le score et la démonstration. A peine ternie par le baroud d’honneur et les 2 essais visiteurs. En une après-midi, toute la beauté et la particularité du rugby : ce sont les avants qui font gagner le match, ce sont les arrières qui définissent l’ampleur du score.

L’épilogue se fête au houblon, au buffet de jambon et fromage, au sifflard et aux rires gras. On refait le match, on chante, on gomme les imperfections, on raille les petites boulettes. En même temps, on serait ailleurs, on regarderait Stade 2 ou on aurait un goûter avec la grand-mère. Autant passer du temps avec les potes, alors. Simplement heureux, comme des amateurs de rugby amateur.

En lever de rideau, la Réserve versaillaise s’impose en match en effectif incomplet, à l’issue d’une petite promenade dominicale imposée.

Related Posts