Le Bon, la Brute et le Truand
Dans la vie, il y a ceux qui tiennent les flingues, et ceux qui creusent. Et il y a ceux qui chantent la vie, comme un funeste clin d’œil, où toute la famille du rugby exprime sa compassion, son soutien et sa solidarité avec l’un des siens, au coup d’envoi de ce match. Emotion de courte durée, tant les enjeux et les incertitudes de circonstance sont nombreux.
Après près de 6 semaines de trêve, imposée par les confiseurs ou les conditions climatiques, bien malins étaient ceux qui pouvaient prédire l’engagement, l’état de forme physique et mentale, et l’envie des Versaillais. Les deux 1ers matchs clé de 2017 reportés, il fallait reporter son appétit sur un plat bien moins consistant, mais tout aussi important dans le régime post bombances de fin d’année.
Mme Yvette sur son 31, parée des couleurs albigeoises, se pointait au banquet avec la ferme intention de défoncer le buffet. Seul aspect pratique, c’est sur terrain synthétique, plus rapide et moins gras, que les gros bras allaient s’écharper. Après la minute de clapping pour #livelikepeyo, on allait être fixé sur les diverses intentions.
Sur le premier engagement, l’atmosphère ouatée de l’herbe naturelle en moins, on sait d’emblée que les contacts vont être vifs, claquants et engagés. Pas de round d’observation, et une occupation du terrain mitigée. Les Versaillais contrôlent sans marquer, passent peu de temps dans le camp adverse, stoppent avec autorité les autobus jaune et noir.
Quelques actions déployées et, déjà, un manque de coordination offensive et de soutien main/main qui avortent de quelques belles courses chaloupées. Pire, sur une belle attaque en 1ère main, puis une 2ème, 2 interceptions du filou ailier adverse plombent les intentions et inhibent les bleus et blancs pour un bon ¼ d’heure. Panique au buffet, y a plus de champagne, envoyez l’eau gazeuse… Au bout du compte, un peu de panique lorsqu’il s’agit de prendre les points face aux perches, mais pas trop de casse finalement.
Malgré tout, en bon 4ème face à un 9ème, et en bon hôte du jour, les Versaillais finissent par trouver la faille, avec Tintin (Constantin Vaysset) en Bon finisseur sur une belle action collective (13ème minute).
Le Bon est passé, Hamon aussi, Versailles prend le score à 5-0, en dépit de 2 pénalités ratées. Ce score évoluera peu pendant la partie, du moins pendant la 1ère mi-temps. En face, la Brute, le n°5 aux cuissots de bovin, s’emploie à passer les bras, souvent hors des limites, mais surtout sans se faire prendre.
Quelques phalanges plus tard, il est toujours dans l’arrière cuisine. Le 15 adverse, lui, enchaîne entre belles relances et belles caguades, pour le grand bonheur des invités au banquet.
Après les oranges, le temps défile, et toujours pas de plats en sauce à se mettre sous la dent. Les intentions déclinent, le collectif prend le relai. Aux charges de Matthieu Batista répondent de belles cuches de Grognon (David Moel), et, petit à petit, Versailles laisse passer la tempête.
Jusqu’au bout, les curistes de Gif restent volontaires et agressifs, s’approchant de la ligne à 5 reprises, pêchant dans la lucidité et la finition, ou se fracassant sur une défense royale qui aura pris le pas sur des ambitions offensives. Vrai match de reprise, crispant ou parfois soporifique, on assiste quand même à une maîtrise versaillaise, pour faire Honneur à son statut de mieux classé ou de descendant ambitieux.
Dans ce marasme de rugby, c’est là que le Truand, l’homme au sifflet en orange, joue son rôle de chef de gare et de Monsieur parfois DéLoyal. Difficile à suivre sur ses décisions et ses courses lourdes, heureusement respectées par les joueurs, moins par le public.
A cogner plusieurs fois en défense, ça finit par payer sur les faibles brèches ouvertes dans la ligne des visiteurs. Sur un renversement d’attaque, Dams (Damien Verstraete) déboule long de ligne, puis transmet à un Baptiste Billioud volontaire, qui s’arrache, crochète et passe le 2ème plat chaud (70ème minute). A 10-0 pour les locaux, on peut presque fermer, l’essentiel est transmis.
S’en suivra un baroud d’honneur des visiteurs, bien contré par des Versaillais sûrs de leur coup. Seule une pénalité chèrement acquise par Tata Yvette à se mettre sous la dent, qui récompense le régime des défenseurs, par un point de bonus défensif (3-10).
Ce match aura donc tout eu du match de reprise : peu d’inspiration mais du réalisme, peu de jeu mais de l’engagement défensif, peu d’envolées mais des coups du sort bien maîtrisés. Versailles sort donc vainqueur de ce défi gastronomique, avec le Bon, la Brute et le Truand en concerto, et conserve toute ses chances de bien figurer au dîner de Gala de fin de saison.