Vieux Crampons : Un éléphant ça Trumpe énormément !

Un grand merci pour commencer ce message et saluer les quarante auteurs de ce match âpres et fluide, tapageur et silencieux comme glissé dans la nappe de brouillard qui n’a jamais voulu s’inviter à ce rendez-vous automnal. Et une question aussi, quel était ce groupe de supporteurs qui entonnait chants et ritournelles pour encourager les nôtres, une troupe Pauliste descendue en voisine du lointain Notre-Dame ? Sans doute. Nous en serons plus, probablement dans les prochains jours.

Temps mitigé mais plus clément que la journée ne le laissait augurer, une pluie insistante tout de même en seconde mi-temps qui rendait les cheveux brillants et les ballons glissants. Un festival d’en avant bien sûr mais que serait un match des vieux crampons sans son lot de désolations, car il faudra bien des souvenirs à nos vieux os trempés. Des excuses enfin car comme tout récit réclame sa part d’ombre et de mensonges, celui-là n’échappe pas à la règle et votre obligé vieilli lui aussi, sa vue décline et ses lunettes se sont tachetées de fines gouttelettes à mesure qu’il se rapprochait de la forêt. Comme le souligne fort justement Bert, chaque fois que j’ai l’occasion d’en discuter avec lui, « On n’a pas vu le même match ! » même si cette fois-ci notre d’Artagnan aux cheveux ras n’aura pas même vu la queue d’une gonfle, ce vendredi soir. Des absents donc mais aussi de joyeuses arrivées, Yann à la mène, nous en reparlerons, et Thomas (one more) à l’aile, sans doute trop préoccupé par ses problèmes d’arthrite prépucienne pour se sentir totalement investi mais qui s’avoua content de quatre ballons et deux placages pour son baptême du feu. Vu de l’endroit d’où je vous écris c’est plus qu’un hommage, une sorte de révérence et si je peux me permettre de parler au nom de tous, bienvenue à eux… et à tous les futurs candidats. Yann avait prévenu ses troupes à deux minutes de l’entame du match : ne rien regretter de ces cinq premières minutes, « vous m’entendez les gars, si c’est nécessaire on ira leur bouffer les arpions sur la peau des couilles ! ». L’adjudant pensait avoir suffisamment de munitions en réserve mais c’est premiers ballons finir dans les chaussettes de la cavalerie légère, le temps de régler la mire sans doute. Puis ce ne furent pas cinq minutes mais plutôt quinze d’harcèlement continuel dans les bases arrière rueilienne, des mauls, beaucoup, des rucks, beaucoup, beaucoup, et au final l’impression d’avancer tout doucement vers la terre promise. Mais la Bible nous enseigne, mes frères, qu’il ne faut jamais crier victoire trop tôt : Josué 24:11 « Vous passâtes le Jourdain, et vous arrivâtes à Jéricho. Les habitants de Jéricho combattirent contre vous, les Amoréens, les Phéréziens, les Cananéens, les Héthiens, les Guirgasiens, les Héviens et les Jébusiens. Je les livrai entre vos mains » Frères Tuck, resté auprès des siens alors qu’il était attendu sur le près, a du slider deux, trois SMS à son patron et ses prières nous ont sans doute porté jusqu’aux fonts baptismaux, mais pour faire tomber ces murs, vous le savez, on a besoin de trompettes. Nos supporters tentèrent bien leur petite musique, seulement en face le message était clair : « On tient les gars, car là on ne peut pas faire autrement ! ». Je vous assure qu’ils ont dit ça ! Ça remplace toutes les statistiques de Canal, non ? Et pour tenir, ils tinrent.

Car à Rueil ne vit pas seulement Pierrot, un 10 gaulé comme une anguille, un funambule de la ligne droite, perdu au milieu d’une marée bleu, mais aussi une solide troupe de gaillards bien décidés à transformer leur 22 en Reichshoffen versaillais. Nous échouâmes donc fort justement. La bataille se livra essentiellement devant, mais comment décrire le sourd travail d’un Manu, d’un Fab, d’un Tonio, ou même d’un Thomas-Le-Grand quand nos yeux brillent pour les fines gambettes de nos jolies danseuses. Les gros-culs-têtes-creuses jouent un rôle bien amère dans les combats d’épaules, un rôle que la nature leur assigne probablement dès l’origine – Frères Tuck nous en dira d’avantage – mais je rage de ne pouvoir mettre ce travail en lumière, dire lequel d’entre eux arracha ces ballons ? lequel plaqua (à part Jean-Phi, bien sûr, qui découpa leurs centres à la hache au point de s’en faire péter le cabochon) ? lequel y retourna ? lequel plia comme une perche galfionienne ? Mystère. Sachez seulement que le combat fut rude et l’avancée inéluctable. Yann qui n’a pas d’académique que le métier avait de son côté décidé d’envoyer au large tout au long du match, de petit côté il n’en fut pas question, trop apeuré m’avoua-t-il de déplaire à la statue du commandeur – El Nino en personne – qui refroidi, et ce n’est pas là son unique paradoxe, toute ardeur émancipatrice aussi sûrement que l’éponyme courant réchauffe les côtes chiliennes. Bref du grand large parfois quand, not’Pierrot, placé comme une fleur dans la ligne de trois-quarts ne décide pas d’enfoncer fièrement le clou et quand Gillou ne donne pas libre court à cette sorte de nonchalance ironique, cette façon de signifier qu’au fond rien ne le touche vraiment malgré son regard tendre et malicieux (et une déclaration d’amour, une !). Alors en bout de ligne s’avance l’ultime solution : notre Petit Paulo dont on se demande, au fond, si l’esthétisme ne tient pas lieu de façon d’être, et je vous livre ici la subtile analyse de cette vieille courge du Chat venu soutenir ses camarades et leur servir à boire : Le problème donc avec Paulo c’est cette envie de courir, mais de courir pour courir, point d’efficience dans cette démarche juste le plaisir de faire des courbes, la science du virage comme point de mire existentialiste – uns sorte de ballerine en chaussures de rugby si vous préférez – la peur de la ligne blanche, du vide de l’herbe sèche, autant resté sur le près doit-il se dire tandis que ses genoux jouent du Rachmaninov, on repique au centre, on repique encore au centre, on repique toujours au centre, jamais tenté par le tout droit. Pas le genre de gars à qui on propose une ligne de poudre blanche. On repique au centre et on joue aussi au mouton, dans saute-mouton. Nous sommes à la 25 minutes de la première mi-temps (ça va faire long je sais) et les ruelonnais tentent une ultime relance désespérée au pied, Paulo s’avance pour se saisir du ballon qui le saute une fois, puis le ressaute une seconde fois, juste au-dessus de sa tête, comme pour mieux le narguer, les rougeôts en profitent pour s’installer dans notre camps et vlan ! nous collent le premier essai du match. On n’a pas su finir le siège de Sedan.

Et l’entame de seconde mi-temps confirme la solidité de l’adversaire, costaud devant, spécialiste du coffrage-debout (on va bosser ce « truc » la semaine prochaine, je vous préviens), joueurs derrière et le match s’équilibre et tourne même au cauchemar lorsque leurs 14-12-13-11 décident d’effacer notre défense, un bel essai rapide construit, cinglant. La tronche de Flo. Mais il ne faut pas trop tarauder la bête blessée, et regarder Yann se replacer juste après l’uppercut donne une petite idée du mauvais quart-d’heure qu’ont dû passer les jeunes recrues durant leurs classes, du temps de l’armée d’avant. Bref Yann n’était plus là pour rigoler et tente dans le même mouvement une percée de trente mètres qui laisse leurs étalons au paddock. « Voilà, l’exploit individuel, c’est ça ! » s’écrit Gillou au cas où personne n’aurait rien vu. Il reste dix minutes mollement passées dans le camp adverse quand Cédric décide tout seul de bouffer la feuille de match en oubliant un trois contre un et – plagiant Paulo – repique au centre (bah dis-donc, le Master 2 option rugby n’est pas pour demain ;-), puis trois quand l’équipe versaillaise donne enfin le plein éclat de son talent, et envoie l’incontournable Gillou aplatir côté droit, l’essai de l’égalisation. L’ultime relance Wagnérienne (https://www.youtube.com/watch?v=g6gcz4hdLA8) des rueilenchois n’y change rien, clap de fin et beau match nul. Quels enseignements tirer de cette mélopée yvelinoise : trois points de suture refusés par Jean-Phi – tête dure, poches pleines, logique pour un banquier – et cette vieillesse qui confine certains au naufrage (Le chat, How Else ?) tandis qu’elle en révèle d’autres au grand jour, car regardez Chamayou, hier soir, varier ses lancers en touche (Flo royal en second sauteur au passage), tenté des départ au ras, mettre le nez là où Bakkies ne rêve même plus de fourrer le sien, fut un régal d’esthète réservé – semble-t-il – aux fins connaisseurs du rugby – comme l’est votre serviteur – puisqu’en dépit de cette cinglante démonstration, le MVP échoua sur les épaules de Yann qui le porta fort bien ma foi. Nénette, comme il se doit récompensa – très justement – l’énorme composition de Flo (objectif : pas d’autre nénette que lui cette année) même s’il faut reconnaître que ses enseignements ont porté leurs fruits car on a sacrément déblayé hier soir autour des rucks (eux aussi remarquez). Une ligne de trois-quarts solide mais sans réelle imagination et des ballons sortant très inégalement très vite ou trop lentement, c’est selon, mais dans l’ensemble, c’est clair, P’tit Pierrot a désormais de la concurrence au poste de neuf. Thomas-le-Grand impérial dans ses percées, mais des aventuriers se retrouvant parfois trop esseulés loin de leurs bases, même si globalement le soutien fut au rendez-vous, confinant même à l’empilement par certains côtés.

Une petite pensée pour les absents du jour (Dani, évaporé dans les pampres Edeniènes, Olive C’ dit l’PDG, Lolo T. – l’autre a cassé du bois sur le terrain – et son complice Cédric, Maxou – Juan-Marcos qui glande sévère cette année mais quand a-t-il vraiment fait quelque chose ? – P’tit Pierrot natürlich, et Thomas qui soigne sa cuisse, et pas que, auprès de la gente féminine). Un grand merci à Bakkies bien sûr.

Et au sens du timing, enfin, qui frise le génie : organiser un match entre bleus et rouges à trois jours des élections américaines, il n’y a que notre Bureau pour voir aussi clair dans l’agenda politique ! … Ha ouais, au fait, un dernier mot sur l’arbitre, vous savez ce traite cent fois rebattu : du grand-art hier soir et – pour une fois – le meilleur d’entre tous, Merci Manu !

Par Sébastien Graille, dit Carmouze

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